Israël/Palestine : choisir son camp? #4 — Sortirducapitalisme

Depuis octobre 2024, on observe une polarisation des positions politiques sur Israël/Palestine. Cette polarisation s’illustre par une simplification caricaturale de la situation géopolitique et des analyses campistes sur l’Histoire du Proche-Orient. Les milieux anarchistes et libertaires ne sont pas en reste. On entend ici comme ailleurs des dingueries assenées avec aplomb, et la recherche de nuances y est trop souvent balayée d’un revers de main.

Voilà quelques mois que nous tournons autour du pot, en cherchant une approche pertinente. Et nous devons l’avouer, nous ne nous sentons pas assez armés intellectuellement pour écrire sur ce sujet. D’autres le font mieux que nous. Nous entamons donc une série d’articles pour diffuser ce que d’autres ont écrit ou dit  sur le sujet. Des fictions ou des essais, quelques podcast, faits par des gens de gauche d’horizons différents. Des textes qui éclairent la situation actuelle en faisant dans le nuance. Doit-on préciser que nous ne nous retrouvons pas dans chaque idée avancée? Ceci étant dit, nous considérons que nos nos désaccords méritent autant d’attention que nos accords.

Cette série continue avec des emissions du podcast « Sortir du capitalisme ». Nous devons dire qu’il s’agit d’une des analyses les plus percutantes que nous connaissons. Elle nous percute surement car elle se base sur une lecture historique du conflit, en l’associant à une analyse politique.

Autant vous le dire tout de suite, ces emissions sont de la théorie en barre. Difficiles à comprendre si on a pas déjà une certaine connaissance du sujet. Même si c’est le cas, difficile de tout comprendre à la première écoute.

Colonisation de peuplement : aux racines du « conflit israélo-palestinien »

  • La première partie (1 heure 10 minutes) comporte :
    • Une critique des différentes approches dominantes du « conflit israélo-palestinien », y compris à l’extrême-gauche, vus uniquement au travers du prisme de l’antisémitisme, des résolutions de l’ONU, de l’anti-impérialisme… ;
    • Une analyse critique de « l’exceptionnalité d’Israël » : en réalité, une colonisation de peuplement semblable à d’autres (effectuée par des persécutés fuyant leurs pays d’origine, avec l’appui de puissances impérialistes, et aux détriments des populations locales), malgré des spécificités irréfutables (une colonisation de peuplement tardive, avec une « métropole » seulement de 1917 à 1939, et effectuée par des persécutés fuyant l’antisémitisme européen) ;
    • Une présentation du mouvement sioniste (avant 1948) et de l’Etat d’Israël (après 1948) comme colonisation de peuplement visant à l’expulsion forcée plutôt qu’à l’exploitation des populations autochtones, à l’instar des colonisations de peuplement blanches d’Amérique du Nord et de l’Australie, et par contraste avec l’Algérie française et l’Afrique du Sud de l’Apartheid, d’où une pérennité supérieure à ces dernières ;
    • Une analyse des conséquences du colonialisme de peuplement sur les rapports de classe et les alliances de classe en Israël et en Palestine ;
    • Une critique des positions antideutsch et sionistes de gauche ;
    • Une discussion des liens entre antisémitisme, antisionisme et anticolonialisme ;
    • Un appel à refuser l’exceptionnalisation de l’Etat d’Israël dans un sens antisémite (qui en fait un Etat omnipotent, dirigeant la politique étrangère des Etats-Unis, fomentant des guerres et des crises, et incarnant seul le colonialisme contemporain) ou prosioniste (qui en fait un simple Etat refuge des juifs, démocratique à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, et fondamentalement différent des colonisations de peuplement historiques).
  • La deuxième partie (50 minutes) comporte :
    • Une rétrospective du jeu des grandes puissances vis-à-vis des minorités dans l’empire ottoman en déclin de la deuxième moitié du 19ème siècle ;
    • Une histoire de l’émergence du sionisme comme produit de l’antisémitisme, du nationalisme et du colonialisme européens ;
    • Une analyse du rôle de l’empire britannique de 1917 (déclaration Balfour) à 1939 (arrêt de l’immigration juive en Palestine) dans l’émergence d’un proto-Etat israélien et dans l’écrasement des oppositions palestiniennes au projet sioniste ;
    • Une discussion des spécificités et des similarités du sionisme avec d’autres mouvements de colonisation de peuplement ;
    • Une brève histoire de l’expulsion violente des Palestiniens en 1947-48, la Nakba.

Penser l’articulation entre la lutte contre l’antisémitisme et la lutte contre le colonialisme israélien

L’épisode (1 heure 20 minutes) comporte :

  • Une présentation du projet de cette émission : penser l’articulation entre montée de l’antisémitisme et violence coloniale en Palestine, d’une part, et entre lutte contre l’antisémitisme et lutte contre le colonialisme israélien, d’autre part
  • Une critique des réactions à gauche face à la montée de l’antisémitisme dans un contexte de guerre coloniale à Gaza : d’un côté, celles et ceux qui se focalisent sur l’instrumentalisation croissante par les Etats occidentaux et Israël de cette montée de l’antisémitisme pour justifier les crimes du colonialisme israélien et la répression du mouvement pro-palestinien, au prix d’une minimisation ou d’une négation de la montée de l’antisémitisme en France ; d’un autre côté, celles et ceux qui vont se focaliser sur la montée de l’antisémitisme, mais en niant ou minimisant au passage le caractère intrinsèquement colonial de l’Etat d’Israël en tant qu’Etat refuge des Juifs face à l’antisémitisme mondial, participant ainsi malgré elles et eux à l’agenda idéologique dominant qui fait de l’Etat d’Israël un Etat qui n’est pas intrinsèquement colonial et du mouvement pro-palestinien ou antisioniste un mouvement tendanciellement antisémite
  • Une présentation des questions auxquels nous répondons dans cette émission : Comment expliquer la montée de l’antisémitisme à chaque épisode sanglant du colonialisme israélien ? Comment expliquer la dimension antisémite d’une partie des critiques de l’Etat d’Israël ? Peut-on lutter simultanément contre l’antisémitisme et contre les crimes du colonialisme israélien, et si oui, comment ?
  • Une critique des impasses des polémiques à gauche sur l’antisémitisme depuis le 7 octobre
  • Thèse n°1 : la montée de l’antisémitisme concomitante aux crimes coloniaux israéliens ne peut s’expliquer que par l’existence au préalable d’un antisémitisme plus ou moins fort dans la population
  • Thèse n°2 : l’antisémitisme est la personnalisation racialisante non seulement du capital financier et mondialisé [Stoff], mais aussi du colonialisme « sioniste » et de l’impérialisme « américano-sioniste », consistant à incarner le colonialisme israélien dans un groupe racialisé, les Juifs du monde entier
  • Thèse n°3 : un des moteurs du ressentiment antisémite en France est la racialisation « bienveillante » (comme on parle de « sexisme bienveillant ») des juifs de France comme « minorité modèle » qui serait bien intégrée, laïque et travailleuse, et a contrario des « minorités repoussoirs », notamment les populations musulmanes et romani
  • Thèse n°4 : cette racialisation « bienveillante » n’exclue pas une poursuite de la racialisation péjorative des Juifs comme communautaristes ou réactionnaires, à l’extrême-droite comme parfois à gauche
  • Thèse n°5 : l’antisémitisme actuel en France est une combinaison du complotisme antisémite assimilant les Juifs à un pouvoir mondial et du ressentiment à l’égard des Juifs de France comme « minorité modèle » associée à Israël et qui serait « favorisée » par l’Etat, notamment en termes de politique mémorielle – d’où un négationnisme de la Shoah – et d’alignement géopolitique avec l’Etat d’Israël
  • Thèse n°6 : l’antisémitisme actuel est notamment un produit du discours des Etats occidentaux identifiant leurs communautés juives nationales à Israël, favorisant l’équation antisémite entre Juifs et crimes coloniaux israéliens
  • Un retour sur l’antisémitisme de Soral et Dieudonné
  • Thèse n°7 : l’essouflement des luttes pro-palestiennes dans les années 2000 a été un terreau favorable à une appropriation croissante de « l’antisionisme » par des antisémites d’extrême-droite comme Dieudonné et Soral, même s’il y a toujours eu une frange antisémite se réclamant de l’antisionisme
  • Thèse n°8 : il y a une urgence morale, politique et stratégique à faire plus de formations contre l’antisémitisme dans les mouvements pro-palestiniens et contre le colonialisme israélien dans les mouvements de lutte contre l’antisémitisme, et ce en articulant les deux problématiques sans les rabattre l’une sur l’autre, de manière à lutter contre les impasses de chaque mouvement et contre leur suspicion respectivement à l’égard de la lutte contre l’antisémitisme et à l’égard de la lutte pro-palestinienne
  • Thèse n°9 : lutter contre l’antisémitisme implique de ne pas exceptionnaliser « négativement » l’Etat d’Israël comme Etat super-impérialiste tout-puissant et maléfique, ni de l’exceptionnaliser « positivement » comme Etat refuge intrinsèquement émancipateur, mais d’en faire un Etat colonial de peuplement parmi d’autres, avec ses spécificités mais aussi ses caractéristiques communes avec d’autres colonisations de peuplement
  • Thèse n°10 : il faut arrêter de séparer la lutte contre l’antisémitisme de la lutte antiraciste, et réciproquement, il faut combattre la montée réelle de l’antisémitisme y compris dans nos rangs
  • Thèse n°11 : on ne pourra rallier le mouvement pro-palestinien à la lutte radicale contre l’antisémitisme qu’en étant radicalement anticolonialistes, et on ne pourra réconcilier une partie des Juifs de France avec la gauche qu’en étant radicalement contre l’antisémitisme [1h20sec]
  • Thèse n°12 : il y a de l’antisémitisme à gauche, et même de gauche lorsqu’il se cache derrière un discours anticolonialiste de gauche, et il faut le combattre en tant que tel
  • Thèse n°13 : au-delà de savoir si Mélenchon est antisémite, il est clair que certains de ses discours peuvent nourrir un imaginaire antisémite, une interprétation antisémite du monde, et c’est une faute morale et politique grave
  • Une discussion sur l’articulation entre populisme et antisémitisme
  • Une conclusion sur l’articulation entre lutte contre l’antisémitisme et lutte contre le colonialisme israélien

 

Ces émissions sont également écoutables sur Spectre, une plateforme radio alternative que nous vous conseillons.

 

 

 

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